L’initiative Belt and Road : Comment les entreprises européennes peuvent en bénéficier

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Écrit par : Bokuan Chen

Traduit par : Vincent Bonhaume

Le président français Emmanuel Macron et la première ministre britannique Theresa May ont tous deux effectué des voyages en Chine début 2018. Lors de leurs visites, ils ont exprimé leur intérêt pour les opportunités offertes par l’initiative BRI (Belt and Road Initiative) mais aussi leur réticence vis-à-vis des objectifs de la politique et leur incertitude quant à l’opportunité qu’ont les pays européens de vraiment en tirer profit. Macron, par exemple, a déclaré que la Nouvelle route de la soie ne pourrait pas être « à sens unique ».

Compte tenu de l’importance que le gouvernement chinois attribue à la BRI – et des sommes considérables qui y sont consacrées – les entreprises européennes étudient si et comment elles peuvent participer. Cependant, de nombreuses entreprises européennes ne sont pas sûres de ce à quoi la BRI ressemble dans la pratique, et si les opportunités qu’elle présente ne peuvent être appréciées que par les entreprises chinoises.

Bien que la nature exacte de la participation étrangère à la BRI reste difficile à saisir, un examen plus approfondi de la politique et des développements sur le terrain montre que les entreprises européennes ont plusieurs façons de s’impliquer.

Connecter la Chine à l’Europe

La BRI est une stratégie de développement international majeure lancée par le gouvernement chinois et largement considérée comme le projet phare de politique étrangère du président Xi Jinping.

À la base, la BRI vise à relier l’Asie, l’Europe et l’Afrique en construisant des infrastructures physiques et de nouvelles routes commerciales avec environ 70 pays participants.

La BRI a cinq objectifs principaux pour relier la Chine aux pays participants :

  • Améliorer la coordination des politiques ;
  • Connecter l’infrastructure ;
  • Construire un commerce sans entrave ;
  • Explorer de nouvelles approches de l’intégration financière ; et
  • Promouvoir les liens interpersonnels.

Pour la Chine, la BRI est un nouveau véhicule pour renforcer sa politique d’ouverture générale et de pilotage de l’investissement direct à l’étranger (ODI). Pour les pays européens, la BRI est une opportunité d’accéder à de nouveaux marchés et d’attirer plus d’investissements.

Les pays européens jouent un rôle clé dans la disposition géographique de le la BRI. Tout comme l’ancienne route de la soie, la BRI et sa « Route de la soie maritime du 21ème siècle » – la composante océanique de la BRI – construisent des routes commerciales en provenance de Chine qui s’étendent jusqu’en Europe.

L’un des principaux objectifs de la BRI est de relier la Chine et le cercle économique de l’Asie de l’Est à l’UE. Dans le cadre de la BRI, la Chine et l’Europe construiront de nouveaux corridors économiques internationaux – tels que le « Nouveau pont terrestre Eurasie » – pour réduire les coûts commerciaux et promouvoir la coopération interrégionale.

Cibles d’investissement de la BRI

Pour atteindre les objectifs de connectivité et de développement le long de la BRI, la Chine a déjà investi des milliards de dollars sous la forme d’investissements directs étrangers (IDE) et de fonds de développement.

Par exemple, la Chine a investi 14,43 milliards de dollars dans 53 pays de la BRI en 2016, principalement dans les secteurs du tourisme, des services publics, des infrastructures, de l’immobilier, de la technologie et du divertissement. Il a également engagé 40 milliards de dollars US pour la mise en place du Silk Road Fund, un fonds d’État pour l’investissement dans les pays situés le long de la BRI.

La plupart des investissements de la BRI en Chine sont consacrés aux investissements dans les infrastructures matérielles, en particulier dans les infrastructures de transport et la production d’électricité. Pour améliorer la connectivité entre la Chine et les pays de la BRI, les chemins de fer, les autoroutes et les ports doivent être développés pour faire face à l’augmentation de la circulation qui devrait résulter de l’initiative.

Par exemple, le programme des chemins de fer eurasiens prévoit de construire 81 000 km de lignes ferroviaires pour acheminer les marchandises et les passagers par voie terrestre entre la Chine et l’Europe. C’est un projet important pour relier les frontières nationales dans les pays de la BRI et développer l’intégration régionale.

En plus de l’infrastructure de transport, de nombreux pays de la BRI ont besoin d’investissements dans les infrastructures de base. C’est particulièrement le cas de certains pays d’Asie centrale qui ont historiquement lutté pour attirer les investissements.

Une grande partie de cette infrastructure vise à accélérer la production d’électricité et l’extraction des ressources. Les pays de la BRI détiennent plus de 50% du potentiel pétrolier mondial et 70% de son approvisionnement en gaz. Déjà, plus de 40 projets énergétiques ont débuté et 20 autres projets ont été approuvés.

Avec l’amélioration des infrastructures, la Chine vise à améliorer le commerce avec les pays liés à la BRI. En 2017, le volume des échanges de la Chine avec les pays de la BRI a augmenté de 17,8% en glissement annuel pour atteindre 1,18 trillion de dollars.

Au-delà de l’infrastructure et du commerce, la BRI cherche à développer des échanges de personnes à travers les industries culturelles et touristiques, en capitalisant sur l’histoire et l’héritage de l’ancienne Route de la Soie.

Comment les entreprises européennes peuvent-elles participer ?

La Chine a des plans ambitieux pour développer la région de la BRI. Mais comment les entreprises européennes peuvent-elles capitaliser sur ces investissements ?

Les entreprises européennes peuvent bénéficier de plusieurs manières, directement ou indirectement.

Premièrement, en bâtissant de nouveaux réseaux de chaîne d’approvisionnement. Avec plus de projets de développement ferroviaire et portuaire, les entreprises de logistique peuvent construire de nouveaux hubs et routes de la chaîne d’approvisionnement. Par exemple, pour relier Lianyungang et Istanbul, la multinationale de logistique DHL a pris des dispositions pour gérer davantage de trafic de fret et fournit désormais des services de pair à pair le long de la nouvelle route.

Ensuite, en réduisant les coûts de transport. Grâce à l’amélioration de l’infrastructure, les entreprises européennes pourront bénéficier de coûts réduits et de temps de transport plus courts si elles veulent vendre des produits aux pays de la BRI.

Par exemple, la ligne ferroviaire Chongqing-Duisburg construite en 2016 peut réduire le temps de transport entre les deux villes d’environ 12 à 13 jours. Pour les sociétés de commerce international en Europe, ceci est bénéfique pour le développement d’activités en Chine.

Enfin, en tant que point final de plusieurs grandes routes commerciales de la BRI, les entreprises européennes peuvent directement recevoir des investissements importants de la part d’entités chinoises. En Grèce, par exemple, le China Ocean Shipping Group a acheté 67% du capital de Piraeus Port Bureau, ce qui a créé une nouvelle route qui a raccourci le transport de la Chine vers l’Europe d’environ 7 à 11 jours.

La plupart des investissements de la Chine en Europe sont des fusions et acquisitions (M&A) ou des investissements Greenfield. Les entreprises européennes participant à la BRI pourraient attirer des investissements chinois si elles peuvent renforcer leur coopération avec des entreprises chinoises.

Les risques posés par la BRI

Les projets de capital et d’investissement issus de la BRI offrent de nombreuses opportunités aux entreprises européennes. Cependant, celles-ci sont également confrontées à des risques importants en participant à la BRI.

De nombreux commentateurs ont spéculé que la BRI visait principalement à trouver de nouveaux marchés pour la surcapacité industrielle de la Chine et à étendre l’influence politique de la Chine à l’international. Les entreprises chinoises, y compris les entreprises d’État, semblent jusqu’à présent jouer un rôle démesuré dans la BRI, et il peut être difficile pour les entreprises européennes de les concurrencer.

En outre, de nombreux pays inclus dans la BRI posent des risques de sécurité, en particulier pour les projets d’infrastructures matérielles. L’instabilité politique et les mouvements extrémistes et sécessionnistes pourraient entraîner des pertes économiques et un danger physique pour les employés.

Un grand nombre de ces pays sont également des destinations d’investissement risquées pour des raisons purement économiques. Au moins 27 pays de la BRI sont classés comme étant de qualité inférieure à la catégorie viable d’investissement par les sociétés de notation internationales.

L’environnement économique peut aussi être difficile à d’autres égards. Par exemple, plusieurs pays de la BRI ont des droits prohibitifs pour le commerce transfrontalier, ce qui rend le commerce plus coûteux et plus difficile.

Enfin, les entreprises européennes devraient être sensibles à l’assortiment incroyablement diversifié de cultures, de religions et d’ethnies de la région de la BRI, ainsi qu’aux histoires politiques entre leurs pays. Une telle prise de conscience peut faire la différence entre le succès et l’échec lors de l’expansion sur de nouveaux marchés.

La BRI est relativement jeune et de nombreux aspects de la politique demeurent flous, notamment en ce qui concerne le rôle que les entreprises occidentales joueront. Indépendamment des détails de la politique, les entreprises font également face à une variété de risques lorsqu’ils font affaire avec de nombreux pays liés à la BRI.

Les entreprises européennes impliquées dans le développement du commerce, de la logistique et des infrastructures ont toutefois plusieurs façons de participer à la BRI. Qu’il s’agisse de participer directement à des initiatives de développement d’infrastructures ou de profiter tangentiellement de nouvelles routes commerciales, la BRI offre des opportunités à différentes entreprises. Avec les investissements croissants du gouvernement chinois et sa détermination politique, la BRI ouvre de nouvelles opportunités qui ne peuvent être ignorées.

Compte tenu de la rapidité de son développement, les investisseurs étrangers devraient surveiller de près la BRI en ce qui concerne les nouveaux risques et opportunités. Dezan Shira & Associates a créé un site Web dédié à la Belt and Road à cet effet, et Silk Road Briefing  peut être consulté pour des mises à jour régulières.

A Propos de Nous

Asia Briefing Ltd. est une filiale de Dezan Shira & Associates. Dezan Shira est un cabinet spécialisé dans l’investissement direct étranger, fournissant à travers l’Asie des services de conseil juridique, fiscal et opérationnel, ainsi que des solutions en comptabilité, audit, et ressources humaines.

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