2017 : Une Année Phare pour les Investissements Bilatéraux entre la France et la Chine ?

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Écrit par : Alan Hervé et Thibaut Minot

Lors de sa visite en Chine en février 2017, le premier ministre français Bernard Cazeneuve a rappelé « la qualité et la solidité des relations bilatérales entre la France et la Chine ». Cette visite s’inscrit dans le renforcement des liens entre la France et la Chine depuis quelques années, comme en témoigne la visite officielle en Chine de François Hollande en novembre 2015 mais également les visites officielles en France de Xi Jinping en mars 2014 et de Li Keqiang en juin-juillet 2015.

D’autres récentes visites de Xi Jinping en Lettonie (le 5 novembre 2016) et en Suisse (le 15 janvier 2017) témoignent du rapprochement que souhaite opérer la Chine avec l’Europe, conformément à son dorénavant très connu « One Belt, One Road » (projet de nouvelles Routes de la soie) et à sa volonté de renforcer les investissements chinois à l’étranger (stratégie du « Go Out »).

La Chine multiplie ainsi les projets visant à consolider ses relations avec l’Europe, avec notamment le Forum des 16+1 (regroupant depuis 5 ans de manière annuelle 16 pays d’Europe centrale et orientale ainsi que la Chine) et des réflexions mentionnées dans un livre blanc publié en 2014 et prévoyant en particulier la conclusion de différents accords de coopération économique avec l’Union européenne (accord sur les investissements et accord de libre-échange).

Malgré une baisse du commerce extérieur chinois de 9,8% en 2015, baisse poursuivie en 2016, la France a tout intérêt à poursuivre son rapprochement avec la Chine si elle souhaite puiser plus franchement dans ce marché d’exportation majeur.

Tendances sur les années 2015 – 2016

D’après les derniers chiffres publiés en juillet 2016 par le Gouvernement français, la France occupe seulement 1,6% dans la part des importations de la Chine (en dollars américains) et se trouve à la 13ème place des fournisseurs de celle-ci. Néanmoins, les échanges commerciaux franco-chinois sont en forte hausse sur l’année 2015 (en hausse de 9,3%), s’élevant à plus de 64,5 milliards d’Euros sur la même année.

Ces échanges commerciaux sont constitués d’importations depuis la Chine vers la France à hauteur de 46,6 milliards d’Euros (en hausse de 8,7%) et d’exportations de la France vers la Chine à hauteur de 17,9 milliards d’Euros (en hausse de 10,9%). Ce fort écart entre importations et exportations conduit à constater côté français un déficit commercial de 28,6 milliards d’Euros.

Le développement de la Chine et l’apparition d’une immense classe moyenne chinoise entraînent une modification de la diversité des exportations vers celle-ci. Ainsi, et bien que le secteur de l’aéronautique reste la principale source d’exportations de la France vers la Chine, on constate des croissances significatives dans les secteurs de la santé, de la cosmétique, de la mécanique, de l’électronique, de l’informatique et de l’agro-alimentaire. De plus, depuis 2014, on remarque également une envolée des exportations de services français vers la Chine.

Les investissements directs entre la France et la Chine restent cependant timides et, à peine 2% du stock total des investissements directs à l’étranger (IDE) de la France est réalisé en Chine (contre à peine 1% du stock total des IDE de la Chine réalisés en France). Toutefois, ces investissements sont en hausse constante depuis plusieurs années et la France représente le 2ème stock d’investissements réalisés par la Chine en Europe.

Actuellement, près de 650 filiales de sociétés chinoises ou hongkongaises peuvent être recensées en France, faisant de la Chine le deuxième plus grand investisseur asiatique en France (après le Japon). Ces entreprises chinoises génèrent ainsi 45 000 emplois en France. Par exemple, de grandes entreprises telles que la société de télécommunication Huawei ont choisi dès 2003 de s’implanter en France en créant une filiale Huawei Technologies France.

Depuis quelques années toutefois, une nouvelle tendance se développe : les entreprises chinoises ne se contentent plus d’ouvrir des filiales en France mais choisissent d’investir directement dans des sociétés ou groupes français. Ces sociétés chinoises investissent principalement en France dans des secteurs tels que la technologie, l’agro-alimentaire ou encore le tourisme et l’hôtellerie.

Cette nouvelle tendance a vraisemblablement été influencée par l’entrée en vigueur fin 2014 d’une nouvelle Convention Fiscale entre la Chine et la France, prévoyant que les distributions de dividendes (et donc les remontées de bénéfices vers la Chine) supportent, sous certaines conditions, une retenue à la source de seulement 5% (contre 10% auparavant).

Ce mécanisme d’incitation fiscale a ainsi pu motiver de nombreuses décisions prises en 2015 ou 2016 de fusions-acquisitions ou rachats de parts de sociétés françaises par des sociétés chinoises. A titre d’exemple et sans prétendre à l’exhaustivité, le groupe chinois HNA a décidé d’entrer au capital du groupe français Pierre et Vacances à hauteur de 10% (via une augmentation de capital). De même, le groupe chinois Jin Jiang a choisi de racheter le groupe Louvre Hotels. Le groupe Shandong Ruyi spécialisé dans le textile chinois a lui racheté 80% du groupe français SMCP (détenteur des marques Sandro, Maje et Claudie Pierlot).

Ces investissements chinois en Europe et plus spécifiquement en France se comptent en milliards d’Euros, et, en avril 2016, les montants en jeux étaient déjà deux fois plus élevés que ceux dépensés sur la totalité de l’année 2015 d’après le rapport Bird’s Eye View: Comparing Chinese Investment into North America and Europe publié en 2016 par le cabinet Baker McKenzie. L’année 2017 devrait continuer sur cette lancée et voir une accélération des acquisitions chinoises en France.

Dans l’autre sens, plus de 1 600 entreprises françaises sont implantées en Chine (avec plus de 2 900 implantations différentes) et génèrent plus de 570 000 emplois. Selon Eurostat, la France est le premier employeur européen au sein de l’Empire du Milieu.

Perspectives pour l’année 2017

La Chine a lancé en 2016 son treizième plan quinquennal et se fixe comme objectif de doubler son PIB d’ici à 2020. Dans cette optique, elle projette pour 2017 une croissance de son PIB de 6,5%. La Chine prévoit d’atteindre une telle croissance en modernisant son industrie et son agriculture tout en favorisant le développement durable. Elle souhaite également développer le Centre et l’Ouest du pays en déployant entre autre ses voies de chemin de fer.

L’année 2017 devrait être une année importante sur le plan des modifications géopolitiques mais pourrait également offrir de nombreuses opportunités du point de vue du développement des relations franco-chinoises.

D’une part, la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne devrait s’accélérer et prendre forme au cours de l’année 2017. L’ambassadeur chinois au Royaume-Uni à d’ores et déjà demandé aux entreprises chinoises implantées au Royaume-Uni de « prendre leurs précautions » face aux incertitudes pesant sur le Brexit. Les sociétés chinoises implantées au Royaume-Uni souhaitant continuer à bénéficier des dispositions applicables au sein de l’Union Européenne devront vraisemblablement se relocaliser dans d’autres pays, ce qui pourrait jouer en faveur de la France. De même, l’attractivité de Londres en tant que place financière pourrait être remise en question avec la perte du passeport financier européen. Malgré cela, certains analystes tablent sur un renforcement des relations sino-britanniques compte tenu d’une plus grande latitude offerte au Royaume-Uni pour négocier avec la Chine.

D’autre part, l’élection de Donald Trump qui a exprimé à de nombreuses reprises son intention d’être plus sévère avec la Chine que son prédécesseur, a pu susciter des interrogations sur l’avenir des relations entre la Chine et les Etats-Unis. Si les relations diplomatiques entre la Chine et les USA venaient à se dégrader, cela pourrait encourager la Chine à se tourner davantage vers l’Union Européenne voire même pénaliser les entreprises américaines faisant des affaires en Chine, éventuellement au profit de leurs homologues européennes. Le Global Times prévenait ainsi dans un article du 13 novembre 2016 qu’en cas de guerre commerciale déclarée par Trump, la Chine n’hésiterait pas à réduire drastiquement ses consommations de produits américains comme iPhone et à remplacer ses consommations de biens américains tels que Boeing au profit d’autres biens tels qu’Airbus.

Enfin, les élections françaises qui se dérouleront d’ici quelques mois pourraient également avoir un impact conséquent sur l’avenir des relations franco-chinoises.

Certains candidats à la présidentielle se déclarent relativement favorables aux échanges internationaux, et, partant, avec la Chine. François Fillon se positionne comme libéral, et ouvert sur l’international. Concernant plus spécifiquement la Chine, il annonce en février 2017 qu’il n’est pas fermé à l’idée d’octroyer le statut d’économie de marché à ce pays, mais à l’unique condition que soit mise en place une « évolution en profondeur des règles de concurrence, de commerce et environnementales sur le marché chinois ». Il ajoute qu’il convient de mettre en œuvre une « réciprocité dans nos échanges commerciaux » avec la Chine. Dans le même sens, Emmanuel Macron déclarait en 2016 que « la mondialisation est une formidable opportunité ». Selon lui, il convient de « se penser dans un monde ouvert, en regardant bien les équilibres mondiaux, notamment la Chine ».

A l’inverse, d’autres candidats à la présidentielle se montrent nettement moins favorables aux relations avec la Chine ou l’international. Par exemple, Marine Le Pen a rappelé avec fermeté en mai 2016 devant le Parlement européen son refus d’attribuer le statut d’économie de marché à la Chine. Accorder ce statut à la Chine conduirait selon elle à imposer une « concurrence chinoise encore plus déloyale et dévastatrice ». Jean-Luc Mélenchon pour sa part déclarait en 2012 qu’il était favorable à des « échanges équilibrés et négociés », à condition que cela ne signifie pas la mise en place d’un « marché libre » (et donc des échanges totalement libres avec la Chine) et la destruction d’emplois en France. Benoit Hamon propose lui de mettre en œuvre un « nouveau modèle de coopération internationale respectant les souverainetés démocratiques » laissant entendre que, s’il n’est pas totalement opposé à l’idée d’échanges avec l’extérieur, il tient tout de même à défendre les intérêts de la France face au libéralisme économique.

On le constate, le paysage politique français est varié et l’élection du prochain Président influera sans doute sur l’avenir des relations France-Chine.

Quoi qu’il en soit, plusieurs secteurs devraient se développer fortement en 2017 et favoriser la croissance en Chine. Pour ne citer qu’un exemple, les ventes de véhicules automobiles sont en très forte croissance (aux alentours de 15%) depuis plusieurs années, et, si les ventes de véhicules polluants pourraient chuter en 2017, celles-ci pourraient se trouver compensées par une hausse significative des ventes de voitures électriques (en hausse de 300% en 2015). Cette hausse des ventes de voitures électriques, et donc plus respectueuses de l’environnement, pourrait être confortée par la volonté du Gouvernement de favoriser les industries respectueuses de l’environnement, suite notamment à la ratification de l’Accord de Paris en 2016 et face à la volonté d’améliorer la qualité de l’air d’ici aux Jeux Olympiques d’hiver qui se tiendront à Pékin en 2022.

Des perspectives de développement sont ici à saisir, et, l’entreprise PSA a déjà annoncé vouloir lancer des voitures électriques sur les marchés européens mais également chinois d’ici 2020 ; ces voitures seront développées en partenariat avec son nouvel actionnaire, le groupe chinois Dongfeng.

Le groupe Renault a également inauguré sa première usine en Chine à Wuhan début 2016. Cette nouvelle usine est le résultat d’une coentreprise également lancée avec le groupe Dongfeng. Renault prévoit pour le moment une capacité de production annuelle de 150 000 véhicules avec possibilité, à terme, de tripler ce chiffre. La production de voitures électriques est là aussi envisagée.

De même, les secteurs tels que le prêt-à-porter, la santé et le food and beverage sont en pleine croissance et devraient maintenir une telle croissance en 2017. Les entreprises de l’Hexagone, qui connaissent déjà un certain succès dans ces industries en Chine, pourraient tirer profit de ces marchés toujours plus porteurs pour continuer leur expansion.

Il semble donc que, malgré certaines incertitudes, de nombreux indicateurs tendent à démontrer que les investissements Bilatéraux entre la France et la Chine seront vraisemblablement amenés à se renforcer au cours de l’année 2017. Reste à savoir à quelle vitesse et dans quelles proportions.

 

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