Chine : Nouvelle loi sur l’investissement étranger

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Écrit par : Dezan Shira & Associates

Traduit par : Fatma Gueye Dione

La Chine a été confrontée aux critiques internationales concernant l’ouverture inachevée de son marché et l’application parfois incohérente de ses lois.

China Briefing discute de la loi sur l’investissement étranger récemment introduite et de sa position en termes des attentes internationales.

Il y a deux semaines, l’Assemblée nationale populaire de Chine a clôturé la réunion de deux sessions en promulguant une nouvelle loi sur l’investissement étranger. Celle-ci entrera en vigueur le 1er janvier 2020 et constitue un nouveau document d’orientation pour régir les investissements étrangers en Chine.

La nouvelle loi n’a été adoptée que trois mois après avoir été réinscrite à l’ordre du jour par les décideurs chinois. Une version antérieure du projet de loi avait été introduite pour la première fois en 2015, mais avait été mise en veilleuse en raison de désaccords sur son contenu.

Les observateurs estiment que le timing de la promulgation de la loi révèle que le gouvernement chinois cherche à répondre aux critiques internationales, émises par les États-Unis nottament, sur l’ouverture inachevée du marché chinois aux entreprises étrangères.

La nouvelle loi sur l’investissement étranger cherche à traiter les plaintes courantes des entreprises et des gouvernements étrangers, notamment en interdisant explicitement les transferts de technologie forcés.

Les critiques soulignent cependant que la loi – dans son état actuel – ne va toujours pas assez loin pour répondre à leurs préoccupations. La formulation vague de la loi signifie que les investisseurs étrangers devront attendre pour voir ce que cela signifiera dans la pratique.

Que savons-nous de la nouvelle loi sur l’investissement étranger ?

La loi sur l’investissement étranger régira les activités de tous les investisseurs étrangers et de toutes les entreprises à participation étrangère, y compris les entreprises à capitaux exclusivement étrangers et les joint-ventures sino-étrangères. La loi touchera également les investisseurs originaires de Hong Kong, Macao et Taiwan.

Elle remplace trois lois antérieures, à savoir la loi sur les entreprises à capitaux exclusivement étrangers (également appelée loi sur les entreprises à capitaux étrangers), la loi sur les joint-ventures sino-étrangères avec actions et la loi sur les joint-ventures sino-étrangères contractuelles.

La nouvelle loi s’engage à « créer un environnement de marché propice à la stabilité, à la transparence, à la prévisibilité et à une concurrence loyale » pour les investisseurs étrangers.

Lors de la conférence de presse de clôture de la réunion des deux sessions, le Premier ministre Li Keqiang a expliqué que la loi faisait partie de la « politique d’État fondamentale » de la Chine visant à s’ouvrir au monde.

Selon M. Li, « cette mesure législative est conçue pour mieux protéger et attirer les investissements étrangers par des moyens législatifs ».

Plus précisément, la loi sur l’investissement étranger contient un certain nombre de dispositions qui garantissent aux investisseurs étrangers des conditions de concurrence égales avec leurs homologues nationaux.

Par exemple, il interdit explicitement aux partenaires chinois de joint-ventures de dérober des secrets de propriété intellectuelle et des secrets commerciaux à leurs partenaires étrangers par le biais des protections prévues dans l’Article 22. Il interdit également aux fonctionnaires d’utiliser des mesures administratives conduisant à des transferts de technologie forcés (également selon l’Article 22), et les rendant pénalement responsables s’ils le font (Article 39).

Outre la propriété intellectuelle, la loi prévoit que les investisseurs étrangers bénéficieront de l’égalité de traitement lorsqu’ils présenteront une demande de permis (Article 30) et participeront à la passation de marché public (Article 16), deux plaintes courantes émanant du monde des affaires international. Selon l’Article 15, les investisseurs étrangers se verront également offrir une chance égale de participer à la formulation des normes.

En ce qui concerne la gestion des investissements étrangers, l’Article 4 de la loi dispose que l’État doit utiliser la liste négative pour garantir le traitement national préalable à l’établissement. Cela signifie que les investisseurs étrangers seront traités sur un pied d’égalité avec les investisseurs nationaux au cours des premières étapes de leur installation.

La liste négative de la Chine est une liste complète des restrictions aux investissements étrangers déterminées par le Conseil des affaires d’État, le cabinet de la Chine.

La nouvelle loi contient également des mesures (par exemple, l’Article 20) destinées à protéger les investissements étrangers de l’expropriation arbitraire. Toutefois, dans des circonstances particulières, la loi dispose que l’État peut exproprier ou réquisitionner les investissements d’entreprises étrangères dans l’intérêt public.

Dans un tel cas, la loi prévoit que les expropriations et les réquisitions se feront conformément aux procédures légales et offrent une « indemnisation juste et raisonnable ». En outre, l’Article 35 stipule que certains investissements peuvent être soumis à des contrôles de sécurité nationale et que les décisions prises pour des raisons de sécurité nationale sont définitives et sans appel.

Que manque-t-il à la loi ?

Bien que la loi sur les investissements étrangers soit conçue pour répondre aux plaintes répétées du monde des affaires étrangères, elle a suscité une réaction timide.

Les critiques de la loi disent que le texte est trop général et qu’il est difficile de savoir comment cela fonctionnera dans la pratique. Selon certains médias, certaines formulations ont été volontairement rendues vagues – ou complètement supprimées – en raison de désaccords persistants entre les décideurs politiques sur la manière dont certaines questions devraient être traitées.

Ines Liu, consultante dans le département de conseil aux entreprises internationales chez Dezan Shira & Associates, a déclaré : « Dans l’ensemble, le gouvernement chinois a tenté de faire un pas positif pour les investisseurs étrangers. »

Liu a toutefois averti que « comme la loi est rédigée de manière très générale, il faudra peut-être beaucoup de temps avant que le gouvernement publie les règles de mise en œuvre.

L’étape cruciale serait de voir comment le gouvernement chinois va ouvrir de nouvelles voies pour renforcer l’application de la loi. »

De même, Kyle Freeman, manager dans le département de conseil aux entreprises internationales chez Dezan Shira & Associates, a déclaré : « Bien que la nouvelle loi soit un pas dans la bonne direction pour répondre à certaines préoccupations des investisseurs étrangers, dans sa forme actuelle, elle est assez légère et devrait être lu comme un cadre global ».

Lors de sa conférence de presse, le Premier ministre Li a déclaré que le gouvernement était conscient de ces problèmes et qu’il serait résolu d’y remédier par la publication de directives de mise en œuvre ultérieures. « Le gouvernement présentera une série de règlements et de directives correspondants à la protection des droits et des intérêts des investisseurs étrangers, tels que des mécanismes de travail permettant de traiter les plaintes déposées par des entreprises à capitaux étrangers. »

Li a poursuivi : « Ce seront les choses importantes que le gouvernement devra faire dans les semaines et les mois à venir pour que cette loi soit réellement opérationnelle. »

Préoccupations concernant l’impact négatif des nouvelles dispositions

En dépit des assurances de M. Li, de nombreux analystes ne savent pas si les prochaines directives répondront pleinement à leurs préoccupations. Cela s’explique en partie par le fait que les lois chinoises ont tendance à être délibérément vagues, ce qui permet aux autorités locales d’interpréter les règles elles-mêmes. Cette stratégie permet aux autorités locales d’interpréter et d’adapter les lois en fonction des conditions et des besoins locaux, mais elle les rend également moins cohérentes et moins transparentes pour les investisseurs étrangers.

Encore plus fondamentalement, les détracteurs sont sceptiques quant à la manière dont la loi mettra fin aux transferts forcés de technologie et au vol de propriété intellectuelle. Dans la pratique, le gouvernement pourrait fermer les yeux sur l’application de la loi dans ce domaine.

Par exemple, bien que la loi interdise formellement les transferts de technologie forcés, des responsables gouvernementaux ont déclaré que ces transferts étaient déjà illégaux, mais ont minimisé leur prévalence ou déclaré qu’ils ne s’étaient pas produits du tout.

En mai dernier, l’ambassadeur de Chine, Zhang Xiangchen, a par exemple déclaré : « Il n’y a pas de transfert de technologie forcé en Chine », même si une enquête menée en 2018 par la Chambre de commerce américaine a révélé qu’un répondant sur cinq se sentait obligé de transférer sa technologie en échange d’un accès au marché.

Certains observateurs estiment que, outre les inquiétudes suscitées par la formulation vague de la loi, de nouvelles dispositions pourraient en fait permettre au gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent en tant que mesure de représailles en cas de différend avec un pays étranger.

Selon Liu, le libellé selon lequel les investissements étrangers pourraient être expropriés dans des « circonstances spéciales » et « dans l’intérêt public » et soumis à de vastes examens de la sécurité nationale donne au gouvernement chinois une base légale pour exercer des représailles contre une entreprise étrangère contestataire.

Pour le moment, la plupart des investisseurs étrangers seront davantage préoccupés par les implications pratiques de la loi au jour le jour pour faire des affaires en Chine. Freeman a suggéré que la plupart des investisseurs étrangers adopteraient probablement une approche attentiste avant d’évaluer les conséquences de la loi : « L’une des principales préoccupations des investisseurs qui persistera est que la réalité sur le terrain, nottament en raison des approbations administratives locales, peuvent empêcher un accès complet au marché au niveau de la mise en œuvre. »

Freeman a conclu que « la plupart des articles de la loi manquent de détails substantiels et nécessitent des éclaircissements supplémentaires. Les dispositions ultérieures des règles de mise en œuvre détaillées, notamment leur actualité et leur contenu interprétatif faisant référence à d’autres lois, seront essentielles à la réussite de la mise en œuvre de la loi. »

 

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Asia Briefing Ltd. est une filiale de Dezan Shira & Associates. Dezan Shira est un cabinet spécialisé dans l’investissement direct étranger, fournissant à travers l’Asie des services de conseil juridique, fiscal et opérationnel, ainsi que des solutions en comptabilité, audit, et ressources humaines.

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