Marché de l’emploi en Chine : talents, préférences et coûts de la main-d’œuvre

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Écrit par : Dezan Shira & Associates

Traduit par : Fatma Gueye Dione

La Chine possède le plus grand marché du travail au monde, même si sa population active tend vers une régression. China Briefing examine les principaux aspects du marché du travail du pays en 2019, en se concentrant sur les coûts de la main-d’œuvre, les préférences des jeunes en matière d’emploi et la répartition des talents locaux.

Alors que la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine se poursuit, l’économie chinoise connaît un ralentissement. Les projections de croissance, la production manufacturière, les statistiques d’exportation / importation et d’autres indicateurs économiques montrent que l’économie chinoise est confrontée à son test le plus important depuis la crise financière mondiale de 2008.

Par conséquent, le gouvernement de Xi Jinping renforce son soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) par le biais des réductions d’impôts, des coûts de sécurité sociale et d’autres avantages permettant d’améliorer la confiance globale dans l’économie.

Ces mesures sont essentielles à la stabilité globale de la Chine. Elles ont pour objectif de prévenir les troubles sur le marché du travail du pays mais aussi d’inciter les entreprises à investir.

En 2019, la Chine souhaite créer 11 millions d’emplois urbains – le même objectif que l’année dernière, lorsqu’elle avait finalement réussi à créer 13,2 millions d’emplois.

Nous discutons ici des aspects clés du marché du travail chinois en 2019 qui auront un impact sur la croissance de l’emploi dans le pays.

Coûts de la main d’œuvre en Chine

L’économie chinoise connaît depuis longtemps une croissance régulière, avec une hausse de plus de 14% en 2007 et de 10% en 2010. Jusqu’en 2015, la Chine connaissait la plus forte croissance économique au monde ; un taux de croissance moyen de 6,5% au cours des cinq années précédentes.

Une conséquence directe de cette montée de croissance est l’augmentation des dépenses de subsistance, en particulier dans les grandes villes, entraînant une augmentation évidente du coût de la main-d’œuvre.

Au fur et à mesure que l’économie chinoise se développe, elle produit également une main-d’œuvre hautement qualifiée, ce qui accélère la croissance des salaires. Cela a été illustré par un rapport publié début 2019 par le Bureau d’acquisition de la chaîne d’approvisionnement, GEP, qui a déclaré que les salaires moyens dans certaines villes chinoises dépassent désormais ceux de certaines régions d’Europe orientale.

La croissance des salaires a été prouvée par d’autres données comparatives ces dernières années. En 2017, le China Economic Review indiquait que le salaire moyen en Chine avait triplé entre 2005 et 2016 pour atteindre un niveau supérieur à celui de nombreuses économies émergentes, telles que le Brésil, l’Argentine et le Mexique.

Parallèlement, dans le secteur manufacturier, le salaire horaire moyen a dépassé 3,60 dollars en 2016, soit un niveau comparable à celui du Portugal et de l’Afrique du Sud, et cinq fois supérieur au taux de salaire existant en Inde. La même année, les salaires dans l’industrie manufacturière sont passés de 2,90 dollars par heure à 2,70 dollars au Brésil, de 4,30 dollars à 3,60 dollars en Afrique du Sud et de 2,20 dollars à 2,10 dollars au Mexique.

Cependant, la croissance des salaires en Chine a dépassé les gains de productivité. Ainsi, les entreprises ont soit déménagé vers des destinations moins chères, compensé les coûts en licenciant, ou investi de plus en plus dans des technologies de production à forte intensité de capital, telles que la fabrication intelligente, les robots industriels et les machines d’automatisation.

En outre, la stabilité sociale étant au cœur de la politique de la Chine, les prestations de sécurité sociale et les salaires minimums continuent de connaître une croissance constante chaque année. En février 2019, le salaire minimum mensuel à Shanghai, à Canton, à Pékin, à Tianjin, au Jiangsu et au Zhejiang dépassait tous les 2 000 RMB (298 dollars). Pour atténuer ces pressions sur les employeurs, les autorités de Pékin ont pris diverses mesures pour réduire les coûts de protection sociale, en particulier pour les PME.

En décembre 2018, le Conseil d’État a annoncé le remboursement de 50% des indemnités de chômage aux entreprises qui ne licenciaient pas de personnel. Les remboursements étaient plus élevés pour les entreprises confrontées à des difficultés opérationnelles temporaires.

Cette année, les administrations régionales ont été invitées à réduire autant que possible les obligations de sécurité sociale imposées aux entreprises, en fonction des besoins de financement des administrations locales et du soutien requis pour l’économie. Cette décision est prise pour donner suite à l’engagement pris par le Premier ministre Li Keqiang lors des réunions de deux sessions.

En outre, la Chine envisage de réduire de 20 à 16% la part des primes de retraite de base des travailleurs urbains versée par les employeurs et a prolongé la politique de réduction des primes d’assurance-chômage et des accidents du travail jusqu’en avril 2020.

Facteurs déterminant les préférences professionnelles

Le secteur des services est devenu une attraction de premier plan en Chine, dans tous les segments. Selon le Bureau national des statistiques, le secteur des services, également appelé secteur tertiaire, représentait la moitié de la production de la Chine au troisième trimestre de 2018. Ceci n’est pas surprenant puisque Pékin tente de diriger l’économie chinoise vers le secteur des services, en plus de développer ses capacités de fabrication et ses entreprises axées sur l’innovation.

En termes de tendances clés, les travailleurs chinois recherchent plus de flexibilité et de liberté, et à s’éloigner des longues heures passées sur la chaîne de production. On constate depuis peu une réticence, en particulier parmi les jeunes travailleurs migrants ruraux, à occuper des emplois stables dans des usines.

Par exemple, les travailleurs migrants peu qualifiés préfèrent nettement des emplois dans le secteur des services de livraison – même si l’intervalle de leur revenu se situe entre 5 000 RMB (745 dollars) et 7 000 RMB (1 043 dollars) par mois. Bien qu’ils gagnent moins en tant que livreurs, ces travailleurs affirment avoir plus de temps pour eux-mêmes et des conditions de travail plus flexibles – et moins exigeantes physiquement – que s’ils travaillaient à l’usine ou dans des emplois connexes.

De plus, avec le ralentissement de la croissance dans les régions côtières et le fait que le gouvernement incite les industries à se déplacer vers l’intérieur, de nombreux migrants optent maintenant de se déplacer vers l’intérieur des terres pour se rapprocher de leur domicile familial. De grandes villes comme Pékin ont commencé à expulser activement les migrants peu qualifiés, les qualifiant même de « population bas-de-gamme » et envisagent d’introduire des plafonds de population.

Dans le cas des emplois hautement qualifiés, la jeune génération chinoise a de plus en plus une formation universitaire et aspire à une carrière plus ambitieuse. Les diplômés chinois préfèrent les emplois dans les secteurs de l’éducation, du consulting , de l’Internet, du commerce électronique, des médias et de la culture, selon un rapport sur l’emploi de décembre 2018 par Zhaopin, une plateforme de recrutement. Le rapport indique également que dans le secteur de l’Internet et du commerce électronique, le bassin de candidats s’est développé plus rapidement que les offres d’emploi.

Néanmoins, malgré leur attrait pour les demandeurs d’emploi, les travailleurs dans ces secteurs sont frustrés par l’absence d’équilibre travail-vie personnelle due à un horaire de travail « 9-9-6. » Jack Ma, fondateur du géant chinois du commerce en ligne, Alibaba, a défendu avec controverse le programme de travail épuisant de 9 heures à 21 heures, six jours par semaine, en particulier pour les jeunes Chinois.

De leur côté, les secteurs de la technologie suscitent de plus en plus de ressentiments : plusieurs entreprises ont réduit leurs avantages, leurs primes et leurs emplois en raison du pire ralentissement économique que la Chine ait connu depuis près de trois décennies. Néanmoins, les emplois dans les nouvelles entreprises technologiques restent très recherchés. La concurrence pour les postes vacants s’est intensifiée en 2019 avec un ratio moyen candidatures-à-emplois de 32 pour 1, selon un rapport de Zhaopin sur l’offre et la demande de talents.

Répartition de la main d’œuvre locale

L’effectif chinois a culminé en 2015 et a depuis diminué. Conséquence de la politique de l’enfant unique en Chine, 18% de la population du pays a dépassé l’âge de la retraite en 2018, soit environ 249 millions de citoyens. Mis en perspective, cela représente près des trois quarts de la population américaine. Malgré tout, le marché du travail en Chine reste le plus vaste du monde, avec une population en âge de travailler de près d’un milliard.

Le problème pour les recruteurs a été la disponibilité constante d’embauches suffisamment qualifiées. Dans de nombreux salons de l’emploi dans les grandes villes de Chine, la plupart des postes à pourvoir sont désormais annoncés pour les segments en amont des secteurs de l’informatique, de l’ingénierie et de l’électronique, et non pour des travaux d’usine à bas prix. Pendant ce temps, la plupart des travailleurs licenciés en Chine sont issus des secteurs de la fabrication de bas niveau et de la construction en raison de la hausse des coûts, de la guerre commerciale et de l’urbanisation inégale.

Le vieillissement du marché du travail en Chine signifie essentiellement que la base de talents locaux est limitée dans certains secteurs plus que dans d’autres. Wang Qian, co-fondateur et directeur de la stratégie commerciale à Maimai, une plateforme de recrutement et réseau social, indique que le nombre de postes vacants en Chine a atteint environ cinq millions en 2018. L’an dernier, un rapport publié dans le journal taiwanais DigiTimes, spécialiste en matière d’actualité technologique, a prédit que la Chine pourrait faire face à un déficit de talents de 400 000 personnes dans son secteur des semi-conducteurs d’ici 2020.

Outre les pressions démographiques, la Chine a également une contrainte géographique unique en matière de recrutement de main-d’œuvre. Son système du hukou limite la libre circulation des travailleurs à travers le pays. Le hukou est un document juridique en Chine qui enregistre le lieu de résidence permanente et les informations personnelles de base du titulaire et détermine l’accès du titulaire et de sa famille à l’éducation, aux soins de santé, aux emplois et à d’autres avantages.

Le programme du hukou a fortement faussé le marché du travail chinois. Il a privilégié certaines professions et positions dans les villes les plus importantes au détriment de la libre circulation de la main-d’œuvre, créant ainsi une capacité inutilisée. Dans le même sillage, le développement économique inégal du pays a entraîné la concentration historique des opportunités sur le marché du travail dans les grandes villes.

Par conséquent, les villes chinoises de rang inférieur s’efforcent d’attirer de jeunes talents. Historiquement, les Chinois les plus instruits voulaient s’installer dans des villes comme Shanghai, Pékin, Guangzhou et Shenzhen, qui sont devenus assez chers pour y vivre. Aujourd’hui, les villes de deuxième et troisième rang comme Wuhan, Nanjing, Tianjin,  Hangzhou, Shijiazhuang, et Xi’an se font concurrence pour attirer les talents en offrant des incitations telles que le hukou et des subventions au logement.

En outre, alors que les dirigeants de Pékin donnent la priorité à la politique de l’emploi, ces villes bénéficieront bientôt de nouvelles directives visant à faciliter la circulation des travailleurs à travers le pays.

Ce mois-ci, la Commission nationale du développement et de la réforme a demandé à toutes les villes de moins de trois millions d’habitants de lever les restrictions imposées aux nouveaux migrants nationaux. Les villes comptant entre trois et cinq millions d’habitants ont été invitées à « assouplir complètement les exigences en matière de résidence permanente. »

Les réformes du hukou par le passé ont généralement pris la forme de politiques disparates, mais avec les pressions à la baisse sur la croissance économique de la Chine, il sera important de déployer plus efficacement ses travailleurs.

 

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