Mesures de la Chine contre la guerre commerciale

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Écrit par : Dezan Shira & Associates

Traduit par : Fatma Gueye Dione

Alors que le calendrier tourne à 2019, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine semble être loin d’aboutir à une résolution.

Bien que le président chinois Xi Jinping et le président américain Donald Trump aient conclu un accord prévoyant une trêve de la guerre commerciale lors du sommet du G20, des écarts importants subsistent entre les deux parties.

Pourtant, la réaction de la Chine à la guerre commerciale – son plus grand défi économique depuis la crise financière mondiale de 2008 – a été caractérisée par une relative retenue.

Plutôt que de dépenser des milliards pour une relance financière, comme il le faisait il y a dix ans encore, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures ciblées pour réduire les coûts pour les entreprises et les consommateurs et, surtout, pour faire avancer et accélérer son programme de réformes plus large.

Nous examinons ici comment la Chine renforce son économie pour atténuer les effets de la guerre commerciale.

La réponse de la Chine à la guerre commerciale : diversifier les liens commerciaux

Les exportateurs chinois font face à des droits de douane élevés lorsqu’ils vendent aux États-Unis, tandis que les importateurs de produits américains sont sous le coup des droits de douane appliqués par la Chine.

Depuis que la guerre commerciale a commencé, la Chine a imposé des droits de douane supplémentaires allant de 5 à 25% sur les exportations américaines à hauteur de 110 milliards de dollars. Cela a entraîné, pour les consommateurs et entreprises chinois, des coûts supplémentaires pour importer presque tous types de produits depuis les États-Unis.

Les tarifs supplémentaires deviennent un moyen de dissuasion important pour les importateurs chinois : en novembre, les importations chinoises en provenance des États-Unis ont chuté de 25% en glissement annuel. Ce déclin spectaculaire reflète en partie les efforts de la Chine pour approfondir ses relations avec des partenaires commerciaux alternatifs.

Par exemple, depuis la date du 1er  juillet 2018, la Chine a réduit les droits de douane sur les importations en provenance de l’Inde, de Corée du Sud, du Bangladesh, du Laos et du Sri Lanka. Parmi les produits touchés par ces coupes, il y avait le soja – un produit que la Chine a importé pour 13,9 milliards de dollars US en provenance des États-Unis en 2017.

Plus récemment, dans ses tentatives d’élargir ses partenariats commerciaux, la Chine s’est engagée à importer davantage de produits agricoles depuis l’Inde. L’intérêt mutuel de se protéger contre les actions commerciales américaines a même conduit à un rapprochement entre la Chine et le Japon, qui sont traditionnellement des concurrents régionaux. Le Premier ministre Shinzo Abe a d’ailleurs effectué sa première visite en Chine – la première visite officielle d’un dirigeant japonais en sept ans – et a déclaré que les deux pays sont sur la bonne voie afin de passer de la concurrence à la coopération.

Au-delà de la recherche de nouveaux canaux commerciaux à court terme, Beijing a insufflé une nouvelle urgence de conclure des accords de libre-échange plus vastes. Le plus notable d’entre eux est le RCEP , un important accord commercial qui inclut la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde et les 10 membres de l’ASEAN. Bien que les parties au RCEP n’aient pas réussi à conclure l’accord à la fin de cette année, elles devraient le faire en 2019.

Le gouvernement chinois a récemment renforcé son ALE avec Singapour, étudie la possibilité d’un ALE Chine-Japon-Corée du Sud et a ouvert des négociations sur un ALE avec le Panama. La Chine envisageait également de conclure un accord de libre-échange avec le Canada, bien que les perspectives de cet accord soient plutôt sombres en raison de leur accrochage diplomatique en cours et de la signature récente de l’USMCA .

Réductions simultanées des taxes, réformes fiscales

Outre le renforcement des liens avec des partenaires commerciaux alternatifs, la Chine a réduit les coûts pour les entreprises et les consommateurs afin d’atténuer les effets de la guerre commerciale.

Le 1er juillet – le jour même où la première série de droits de douane américains est entrée en vigueur – les réductions douanières appliquées par la Chine à 1 449 catégories de produits sont entrées en vigueur. Cela a permis de réduire les tarifs sur les produits de consommation tels que les vêtements, les cosmétiques et les appareils ménagers.

Ensuite, depuis le 1er novembre, la Chine a réduit les droits de douane sur 1 585 autres articles taxables. Ce cycle ciblait principalement les produits industriels et les matériaux utilisés pour la fabrication, tels que les équipements électroniques, les textiles, les matériaux de construction et le papier.

Pour alléger la pression sur les exportateurs basés en Chine, qui sont parmi les plus touchés par les droits de douane, la Chine a d’abord augmenté les rabais de taxe à l’exportation pour 397 produits, puis de manière plus générale, plus largement, les taux de réduction des taxes à l’exportation.

Pour les entreprises qui luttent sous la pression de la guerre commerciale et envisagent de réduire leurs effectifs, la Chine a récemment annoncé des aides leur permettant de réduire leurs obligations en matière d’assurance chômage.

En outre, la Chine a accéléré la réforme de son impôt sur le revenu des particuliers afin d’alléger le fardeau des personnes à revenu faible ou moyen et d’encourager la consommation. Les nouvelles tranches d’imposition sont entrées en vigueur le 1er octobre, soit un mois seulement après l’adoption de la loi, tandis que les autres dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2019.

Réformes commerciales clés

La Chine a beaucoup amélioré son environnement des affaires au cours de la dernière année, la guerre commerciale accélérant les améliorations prévues.

La plupart des améliorations apportées par la Chine se sont concrétisées par une série de mesures modestes mais efficaces visant à réduire les formalités administratives et à rationaliser l’administration des entreprises. C’est toujours le cas avec les nouvelles politiques préconisant davantage les investissements et la facilitation des échanges, telles que les procédures douanières simplifiées .

Le gouvernement chinois espère combiner de telles améliorations du climat des affaires avec des incitations ciblées pour attirer les investissements. Le 31 juillet, le gouvernement central a demandé aux gouvernements régionaux de mettre en œuvre des politiques visant à maintenir la stabilité économique, autrement dit, à renforcer les économies locales face à la guerre commerciale.

Les gouvernements régionaux ont réagi de la même manière aux niveaux provincial et municipal, avec des politiques telles que des récompenses en espèces ponctuelles, des investissements dans l’infrastructure et des coûts d’affaires réduits.

La Chine a même pris des mesures pour améliorer ses droits de propriété intellectuelle (PI), ce qui est au centre des plaintes déposées par les États-Unis contre la Chine. Les développements à cet égard incluent la création au niveau national d’un tribunal de la propriété intellectuelle et des sanctions plus strictes en cas de violation de la propriété intellectuelle.

Stimulus limité

En réponse aux incertitudes causées par la guerre commerciale, la Chine a accéléré – dans une certaine mesure – les mesures de relance.

Par exemple, à la fin du mois d’octobre, la Banque centrale Chinoise avait prévu de fournir un soutien au crédit de 10 milliards de RMB (1,4 milliard de dollars américains) afin de promouvoir les prêts privés, et avait déjà annoncé une augmentation des dépenses en infrastructures. En outre, en novembre, le Conseil des affaires d’État a encouragé les ministères à accroître leurs prêts, en particulier aux petites et moyennes entreprises.

Cependant, les mesures de relance prises par le gouvernement à ce jour sont minimes par rapport aux niveaux précédents. La Chine n’est pas en mesure – ou ne veut pas – recourir à des mesures de relance à grande échelle pour accélérer l’économie car elle est toujours très endettée du fait de ses dépenses massives pendant la crise financière mondiale.

En 2008, la Chine a dévoilé un énorme plan de relance de 4 000 milliards de RMB (600 milliards de dollars américains) représentant près de 13% du PIB du pays cette année-là. En comparaison, le plan de relance américain – considéré comme important en soi – valait 152 milliards de dollars américains. Selon l’Institut des finances internationales, la dette totale de la Chine pourrait avoir dépassé 300% du PIB au troisième trimestre de 2018.

En réponse, la réduction de la dette et des risques financiers a été l’une des plus hautes priorités du gouvernement chinois au cours des deux dernières années, et le reste malgré les pressions économiques actuelles de la Chine.

Cela signifie que les gouvernements locaux et les institutions financières sont confrontés à des objectifs contradictoires, à la fois de stimuler les prêts et de réduire la dette. Cela signifie que les priorités politiques peuvent ne pas être claires au niveau local, mais cela garantit que toute dépense gouvernementale est ciblée et prudente plutôt que coûteuse et exorbitante.

Accélération des réformes intérieures

Près de six mois après le début de la guerre commerciale avec les États-Unis, les efforts de la Chine pour renforcer son économie demeurent relativement ciblés et limités.

Certaines politiques, telles que les réductions des taxes à l’exportation et les incitations à éviter les licenciements, sont clairement conçues comme des mesures d’allégement provisoires pour les entreprises touchées par les droits de douane et les frictions commerciales.

Cependant, de nombreuses autres mesures semblent accélérer le programme de réformes préexistant du gouvernement. Le RCEP, les réductions tarifaires et fiscales et la réforme de l’IIT font partie des politiques déjà planifiées, mais probablement accélérées du fait de la guerre commerciale.

Ces décisions peuvent offrir des avantages tangibles pour réduire les préoccupations des entreprises touchées par la guerre commerciale, mais ne se comparent pas à l’ampleur de la réaction du gouvernement lors de son dernier défi économique majeur. Et pour les entreprises qui envisagent déjà de s’orienter vers des destinations moins coûteuses, telles que le Vietnam, en raison de tendances économiques plus générales, il est peu probable que le soutien des gouvernements modifie leur calcul.

Néanmoins, la stratégie de la Chine pourrait être bénéfique pour les perspectives économiques du pays au-delà de la guerre commerciale. La transition structurelle vers la consommation intérieure et l’innovation dans les technologies de pointe portera ses fruits à moyen et à long terme. Cependant, alors que la guerre commerciale approche et que l’impact de la guerre en Europe se concrétise, des mesures d’urgence à court terme pourraient rapidement occuper une place de choix.

 

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